Interview de RM pour Vogue Spain de mars 2023

Traduit de l’anglais (@btscharts_spain) par #Lolo

RM leader de BTS : “Si je devais mourir ce soir, je pense que rien ne changera. Un fermier ou un agent de propreté sont plus indispensables que moi au fonctionnement de la société”.

RM leader de BTS : “Si je devais mourir ce soir, je pense que rien ne changera. Un fermier ou un agent de propreté sont plus indispensables que moi au fonctionnement de la société”.

Le rappeur, chanteur et auteur-compositeur sud-coréen, devenu une icône mondiale de la K-pop, a récemment visité Barcelone pour promouvoir son premier album solo Indigo.

Interview d’Eva Blanco Medina

Photo de RM donnée par BigHit pour Vogue Spain

Durant cette dernière décennie, il a de nombreuses fois répondu à la question : “Quels sont les facteurs qui ont fait de la K-pop un phénomène mondial ?”. Mais sa réponse, dit RM leader du groupe BTS (Kim Namjoon, Séoul 1994), a changé au fil des ans. “À mon avis, pour qu’un public large puisse le comprendre, nous pouvons citer comme exemple les groupes qui ont réussi dans les années 60 et 70 : la première vague de succès des Beatles peut-être. Loin de moi l’idée de nous comparer à eux mais nous sommes aussi une nouveauté. Tous ceux et celles qui ont dans leur ADN un penchant pour les gestes et l’énergie qu’ils procurent sont plus susceptibles de réagir à la K-pop. Nous sommes l’image d’un groupe de jeunes gens se mouvant à l’unisson avec un but commun. La danse, les visuels, les réactions des réseaux sociaux, l’ambiance décontractée… Tout ceci contribue à l’engouement des gens pour la K-pop” expose le rappeur et auteur-compositeur par appel vidéo avec Vogue Spain depuis Madrid jusqu’à Barcelone, où RM a passé 10 jours, alternant repos et activité promotionnelle pour son nouvel album, après avoir assisté au défilé Bottega Veneta à la fashion week de Milan.

Indigo (Big Hit Music) est le nom du premier album studio solo de RM. Un ensemble de 10 chansons en anglais et en coréen, qui a vu le jour le 2 décembre et qui contient des collaborations avec Erykah Badu, Anderson Paak ou encore Tablo, leader du groupe de hip-hop coréen Epik High. L’album, dont le premier single Wild Flower (ft. Youjeen) compte déjà plus de 54 millions de vues sur Youtube, est présenté comme un retour aux sources jusqu’à ce garçon de 9 ans qui n’avait pas encore connu le tourbillon de la célébrité et qui rêvait de devenir poète. “L’industrie de la K-pop n’a pas arrêté de grandir depuis nos débuts avec BTS [en 2013]. Elle est devenue beaucoup plus complexe et a attiré beaucoup plus de personnes dans son sillage. Je pense qu’il y a une part de lumière énorme mais il y a aussi une part d’ombre difficile à cerner. Beaucoup d’entre nous ont commencé leur carrière en groupe très tôt, nous vivions et dormions ensemble quand nous étions adolescents. Nous sommes devenus une vraie famille, ce qui est génial, mais cette culture m’a beaucoup affecté car c’est parfois compliqué d’être traité comme un adulte autonome dans ses décisions. Je suis perçu comme un simple rouage dans cette machine faisant fonctionner ce phénomène massif” dit l’artiste, qui a toujours un regard optimiste sur le sujet.

Photo de RM provenant de son Instagram @rkive

“J’aime toujours cette industrie, elle m’a tellement donné. Les ARMYs [nom qu’ont reçu les fans de BTS]  du monde entier nous transmettent leur amour sincère. Mais il faut attraper et répondre à cet amour, ce qui peut aussi générer du stress. Je fais ce métier depuis l’âge de 20 ans et je ne connaissais aucune merde de ce monde. C’est le côté le plus compliqué. C’est pour cela que je dois me dire, “Mec, repars du début. Là où tu as commencé, vers ton humanité, vers le hip-hop” développe-t-il.

Avez-vous déjà eu l’impression de vous perdre complètement dans ce tourbillon du succès ? “Avant je pensais que oui, mais ce qui est curieux, c’est que je suis conscient du fait que ce soit moi-même qui ai fait le choix de me consacrer à l’industrie de la K-pop. Personne ne m’a poussé à le faire. Mais oui, parfois je me suis perdu. Même si le dire peut être un excès d’”auto-empathie”. Il n’y a pas de réponse. Sauf si la K-pop a pour but de recharger les batteries d’un public de masse et si j’y ai une part de responsabilité, alors je dois garder les pieds sur terre. En tant qu’adulte, en tant que musicien et en tant qu’être humain. Et ces dix ans de carrière m’ont aidé à définir qui je suis et à m’aimer. Je travaille toujours dessus vous savez, et toute cette lutte interne sera transposée dans des albums et des vidéos”, explique-t-il.

Les paroles, les pensées philosophiques, les messages ou les mots eux-mêmes sont constamment une source d’analyse avec les productions de RM. “La musique est nécessaire au monde, mais pour ce qui est de ma musique, j’ai parfois l’impression de produire quelque chose d’inutile. Si je devais mourir ce soir, je pense que rien ne changera. Un fermier ou un agent de propreté sont plus indispensables que moi au fonctionnement de la société. Quand je réfléchis au rôle de notre génération en termes historiques, quand je vois toutes les plateformes digitales et leurs communautés, je ressens énormément de confusion. Beaucoup de personnes ne veulent pas penser. Elles ont des vies frénétiques et se tournent vers la musique ou la télévision pour échapper à la réalité : la dernière chose qu’ils souhaitent est quelqu’un qui les regarde de haut et leur donne des leçons. Dans ce contexte, je me demande comment je peux donner de l’importance à ma musique. Je n’ai pas encore trouvé de réponse mais je continue d’essayer d’apporter ma propre vision”, dit RM, qui est passionné d’art et a inclus plusieurs références à son peintre sud-coréen préféré Yun Hyongkeun dans son album Indigo.

Quant à savoir s’il a peur que les ARMY le suivant sur Instagram (42,4 millions de followers) puissent un jour se retourner contre lui en cas de gaffe ou d’erreur stupide, RM répond sans ambiguïté. “Oui, cela me fait peur. Cela me fait peur 24h/24 et 7j/7. Quand j’étais plus jeune, j’essayais de donner l’image d’un gars cool qui n’en a rien à foutre de ce que pensent les autres, mais je ne pense plus que ce soit le cas aujourd’hui. Je me soucie de la dimension publicitaire de ma carrière et de l’influence que je peux avoir sur les autres. Cette pression me stresse oui, mais je pense pouvoir la gérer. C’est la raison pour laquelle je n’arrête pas ma carrière ou que je ne sors pas boire un verre le soir pour ensuite conduire ivre. Je suis humain, je peux faire des erreurs, mais je ferais tout ce qu’il y a en mon pouvoir pour être la meilleure version de moi-même. L’une des clés pour tenir est de considérer ce métier comme étant ce qu’il est : un métier. Je ne pense pas que les artistes aient des droits ou des privilèges spéciaux.

Enfin, l’aspect de l’album qui doit être mis au clair est celui-ci : même si les rumeurs persistent, il ne signifie en aucun cas la fin du groupe à succès. “Oh, je n’ai aucune intention de quitter BTS. Absolument pas. Je lance un projet solo comme celui-ci pour la première fois, donc j’essaie de tenir debout et de faire mes premiers pas. Mais je suis une personne ambitieuse qui a de la volonté. Alors je ne veux pas manquer l’opportunité de pouvoir faire les deux. Donc je vais faire de mon mieux pour ne pas perdre le contrôle et diriger les deux navires en même temps. Beaucoup de groupes se séparent et s’effondrent mais j’espère que cela n’arrivera pas pour BTS. J’aime juste la musique, j’adore mon métier, j’aime les membres et je m’aime. Si je peux continuer à maintenir les deux projets, je pense que cela pourra devenir légendaire sur le long terme”, conclut-il.