Interview de Suga pour Marie Claire Korea
Traduit de l’anglais (Marie Claire Korea du 06/04/2023) par #Winter
Une vie équilibrée et flexible, où Valentino rencontre Suga.
Depuis le début de l’année, vous travaillez avec Valentino en tant qu’ambassadeur mondial. Vous avez dû éprouver un lien plus étroit avec la marque à mesure que vous interagissez avec elle.
Suga : Savoir s’adapter est pour moi une valeur importante quand je fais de la musique, et lorsque je communique et travaille avec Valentino, j’ai la sensation qu’il s’agit d’une marque très flexible. C’est pourquoi j’aime collaborer avec elle. Les gens autour de moi m’ont aussi fait remarquer que son style correspondait au mien, ce qui est un autre aspect qui me plaît.
Quel look avez-vous préféré de la séance photo d’aujourd’hui ?
Suga : J’ai aimé celui avec le cardigan beige et le pantalon gris. D’habitude, je ne porte pas de cardigan, mais il m’allait très bien. J’ai appris une nouvelle façon de m’habiller aujourd’hui.
À quel genre de musique Valentino vous fait-il penser ?
Suga : Valentino dégage un côté rockstar. Cela se marie bien avec un son hard rock qui fait vibrer, cependant les collections récentes ressemblent plus à du rock branché, du rock avec une touche de hip-hop, plutôt qu’à un son rock à base de batterie.
Parlons maintenant de la musique de Suga. Votre tournée mondiale en solo est pour bientôt. Quelle direction ou quel concept envisagez-vous ?
Suga : Je prépare cette tournée depuis si longtemps que, désormais, l’expression “direction” m’est étrangère. (rires) Mon intention avec cette tournée n’est pas d’atteindre mon plein potentiel ni de réussir en tant que soliste. Je pense que la forme actuelle de la tournée en solo est née parce qu’il est physiquement impossible pour nous sept de nous produire ensemble maintenant, ce qui serait idéal. Nos fans ont attendu une tournée pendant si longtemps, alors, d’une certaine manière, je souhaitais leur rendre la pareille.
Vous avez déjà voyagé à travers le monde entier en tant que membre de BTS, mais je suppose qu’entamer une tournée par vous-même sera très différent.
Suga : Je me concentre d’autant plus sur la performance en direct parce que le poids des autres membres pèse sur mes épaules. J’ai parfois tendance à oublier les paroles. (rires) C’est pourquoi je fais de mon mieux pour les mémoriser.
Bien qu’il s’agisse de votre première tournée en solo, vous avez déjà sorti des mixtapes et collaboré avec d’autres musiciens. Votre expérience musicale en tant qu’artiste solo affecte-t-elle votre travail en tant que BTS ? Je suis également curieux de savoir si la musique de BTS influe aussi sur votre album solo.
Suga : La première prémisse de tout mon travail musical est de créer la musique de BTS. C’est un fait immuable. De ce fait, mes activités en solo n’affectent pas nécessairement la musique de BTS, pas même que la musique de BTS affecte le travail en solo. Et puis, il n’y a rien que je ne puisse pas accomplir en tant que BTS lorsque je fais de la musique. Je suis simplement quelqu’un qui fait beaucoup de musique. J’essaie juste de saisir les moments d’inspiration musicale comme ils me viennent.
Beaucoup de personnes ont prêté attention à votre utilisation de la musique traditionnelle coréenne dans vos œuvres jusqu’à présent. Vous avez incorporé de la musique coréenne traditionnelle dans Daechwita, le titre phare de votre deuxième mixtape ainsi que dans Haegeum, celui de votre nouvel album. Y a-t-il eu une occasion qui vous a poussé à utiliser de la musique traditionnelle coréenne ?
Suga : Qu’il s’agisse d’instruments traditionnels, d’instruments à cordes ou de piano, ce sont tous des sons et des matériaux pour créer de la musique. Je ne commence pas à faire de la musique avec de grandes intentions. Pour Daechwita, tout a commencé avec une simple question: pourquoi ne pas essayer de transformer cette source fraîche en musique ? Réaliser un sample d’une musique militaire pour Daechwita était un choix naturel en raison de son titre.
L’un des genres que nous ne pouvons pas séparer de vous est le hip-hop. Producer Bang et Pdogg ont une connaissance approfondie de la musique noire et du hip-hop. Comment cet aspect a-t-il influencé la musique de BTS ainsi que votre évolution en tant que musicien ?
Suga : J’ai grandi en écoutant de la musique hip-hop depuis que je suis tout petit. C’est un genre populaire aujourd’hui, mais à l’époque, c’était plutôt impopulaire. Si l’on considère que le hip-hop est maintenant un des genres les plus influents de la scène musicale, Bang [Sihyuk] et Pdogg étaient vraiment en avance sur leur temps. Cependant, je suis quelqu’un qui ne fait que de la musique populaire. Je fais du rap, mais je ne pense pas être un artiste de hip-hop. Je fais juste de la musique pop. Bien sûr, le fait d’avoir grandi en écoutant du hip-hop m’a aidé à mieux comprendre la musique populaire.
Cypher Pt 1, 2 et 3 de BTS me procurent encore beaucoup de sensations. Elles contiennent une véritable colère et une énergie intense provenant des profondeurs, ainsi que des compétences affûtées en rap pour faire vos preuves. Ces morceaux resteront dans l’histoire de la musique hip-hop coréenne. Quel est votre ressenti vis à vis de ces morceaux aujourd’hui ?
Suga : Je suis content que beaucoup de gens les apprécient. Je pense que j’aurais dû les atténuer un peu. En particulier ma partie (rires) j’avais du Han (un terme coréen unique qui désigne un sentiment de chagrin, de regret ou de rancœur) et je voulais montrer ce dont j’étais capable. Si vous écoutez les interprétations en direct les plus récentes des “Cypher de BTS”, elles sonnent plus naturelles vu que je les ai baissées d’un cran. Je ne dis pas que je n’aime pas la musique intense. Mon nouvel album solo contient aussi des morceaux plutôt puissants. Une partie de moi aime toujours la musique comme les “Cypher de BTS”.
J’ai entendu dire que, habituellement, vous travaillez avec d’autres artistes par e-mail. Y a-t-il une raison pour laquelle vous préférez travailler de cette manière ?
Suga : Je crois que l’image d’artistes qui se réunissent pour travailler sur de la musique est peut-être une illusion créée par les médias. (rires) Il est rare qu’on se rencontre, qu’on joue des instruments ensemble, et qu’on enregistre côte à côte. Il est également rare pour des artistes de soudainement se rencontrer parce qu’une inspiration musicale leur est venue. Bien sûr, certains artistes travaillent de cette manière, mais pas moi. Je préfère travailler par e-mail. Chaque artiste peut se concentrer pleinement sur son travail tout en maintenant son rythme de vie. C’est aussi un gain de temps. C’est très efficace.
Quand BTS a fait ses débuts, les gens méprisaient les idoles ou en disaient du mal, mais aujourd’hui, il est ridicule de penser ainsi. Avez-vous l’impression que les gens vous voient différemment ?
Suga : Je suis une idole, et j’en suis très fier. Bien sûr, j’ai pu dire des bêtises à l’époque, mais maintenant le mot “idole” est comme un insigne d’honneur pour moi. La vision des gens a beaucoup changé récemment, et je crois que BTS y a contribué. La plupart des idoles d’aujourd’hui sont tout simplement “très bonnes”. C’est le niveau auquel se trouvent les idoles actuellement. Elles ne sont pas simplement séduisantes, mais elles sont aussi douées en danse, chant, rap, et même en comédie. Elles ne sont peut-être pas des musiciens avec un point fort en particulier, mais changez votre point de vue, et vous verrez qu’elles sont des musiciens sans aucun défaut. De plus, l’un des charmes des idoles est que l’on peut assister à leur évolution après leurs débuts, album après album. Bien sûr, il est agréable de regarder des musiciens perfectionnés, mais c’est aussi très divertissant de voir des idoles maladroites et mignonnes devenir petit à petit des professionnels.
Vous avez probablement connu l’ascension la plus spectaculaire parmi les artistes coréens, sans compter les idoles. Beaucoup de personnes peuvent “dépasser les attentes”, mais rares sont celles qui parviennent à se hisser jusqu’au “sommet du monde”.
Suga : Quand j’étais plus jeune, j’étais effrayé par le succès. Lorsque les choses ont commencé à aller au-delà de mes attentes, j’ai commencé à éprouver de la peur, mais maintenant je ne m’attarde plus trop sur ça. BTS, en tant que groupe, a les pieds bien ancrés sur terre. Nous ne vivons pas la vie des soi-disant “superstars”. Nous ne pensons pas être au sommet, et nous savons aussi que nous pouvons toujours redescendre. Plutôt que de s’évertuer et souffrir pour maintenir un statut, nous choisissons de vivre avec gratitude, en nous rappelant que nous avons des fans qui nous soutiennent et nous encouragent.
Je suis curieux de savoir comment vous pouvez être aussi calme.
Suga : J’ai connu beaucoup d’échecs, et je pense, qu’en fin de compte, ce sont ces échecs qui m’ont permis de réussir. J’avais si peur d’échouer, mais maintenant je me concentre sur chaque moment de ma vie en me disant : “ainsi soit-il”. Comme la vie serait difficile si elle n’était faite que de hauts. J’espère que les gens ne souffrent pas trop quand ils sont confrontés à un moment de bas dans leur vie.
L’énorme succès de BTS ne s’explique pas uniquement par les chiffres. Sur quoi vous concentrez-vous dans vos réussites ?
Suga : Les choses de la vie, y compris la musique et même cette interview, ne sont-elles pas toutes une communication entre les individus ? En fin de compte, vous ne pouvez pas vraiment séparer les relations de la vie. Que ce soit dans les bons comme les moments difficiles, il y a toujours les “gens”.
J’étais aussi curieux d’en savoir plus sur votre rencontre avec Stephen Curry, le joueur de basket. Y a-t-il eu une anecdote marquante derrière votre rencontre ?
Suga : C’est un joueur très professionnel. J’ai entendu dire qu’il ne finissait pas ses entraînements quotidiens si sa routine n’était pas complète, et cela s’est avéré véridique quand je l’ai rencontré. Ce jour-là, son jeu était incroyable. Le hip-hop et le basket sont inséparables, n’est-ce pas ? C’est pourquoi j’aime les deux depuis que je suis tout petit. Les joueurs que j’aimais à l’époque, comme Allen Iverson et Damien Lillard, étaient tous influencés par le hip-hop. C’est pourquoi ma rencontre avec Stephen Curry a été encore plus agréable. Je suis d’ailleurs très heureux de travailler avec la NBA.
BTS explore sans cesse de nouveaux horizons, ce qui l’amène à vivre de nouvelles expériences. Cela me fait penser que trouver un équilibre sera d’autant plus important. Peut-être que maintenir un équilibre est l’essence même de la vie. Je suis curieux d’entendre si vous avez des conseils à donner.
Suga : J’essaie consciemment de rester humble. Ainsi, même dans les pires moments, je peux me consoler en me disant, “Je le savais”, ou “Je n’étais pas assez bon”. J’en discute avec d’autres membres depuis un certain temps. Nous disons que nous ne sommes personne sans nos fans, et donc que nous devons travailler pour les personnes qui nous aiment. Je me rappelle constamment que j’ai toujours beaucoup à apprendre afin de maintenir un certain équilibre. Cela ne veut pas dire que je m’efforce et que je souffre pour combler le vide parce que j’ai des lacunes. Il s’agit plutôt de l’accepter et de le reconnaître. Se concentrer sur le fait que nous pouvons travailler pour ceux qui nous aiment nous permet naturellement de vivre une vie équilibrée.