V - Layover, peindre l’âme

Article écrit par #Plume

Le 8 septembre 2023, après de multiples années d’hésitations et d’essais insatisfaits, V dévoile son premier album, Layover.  Composé de six pistes illustrées dans six MV aux tonalités vintages, le disque, onirique, embrasse des sonorités jazzy nostalgiques.

Clapotis musicaux avec Rainy Days, comme autant de gouttes de pluie pétillant au coin de notre fenêtre par une après-midi automnale pluvieuse ; l’entrelacement des courts ornements musicaux, cristallins, roule gracieusement dans nos tympans. Grésillement radio dans Blue, écho mystérieux d’une lointaine époque ; maussade, mélancolique, le « bleu », fredonné du bout des lèvres, teinte son âme de chagrin et d’incertitudes…

Enrobé par la voix rocailleuse de V,  Layover charme nos oreilles comme un doux pétale de rose cristallisé fondant sur notre langue. Fondues dans une continuité musicale fluide et rêveuse, les six pistes, minimalistes, se déroulent avec beaucoup de poésie. Elles ont été créées avec la collaboration de Min Hee Jin, productrice du girls band NewJeans. Un échange fructueux et passionnant, pour le jeune homme, lui permettant de concrétiser ses envies et inspirations rêvées maintes et maintes fois pour ses premiers pas sur la scène soliste.

Concept photo 2 de Layover

Y prennent également part des compositeurs familiers des chansons de NewJeans tels que le duo norvégien SMERZ pour Blue, qui avait participé à la composition de Asap, Frankie Scoca, producteur de Super Shy, Monro, compositeur nommé par quatre fois aux Grammy Awards et producteur de Zero, ou encore le duo Gigi, présent sur la plupart des chansons du girls band. Sont aussi impliqués le duo jazz autrichien Freekind (crédité sur la quasi totalité des chansons de Layover, et compositeur de Get Up pour NewJeans), ainsi que les sud-coréens Donghyun Kim et Jinsu Park.

Concept photo 2 de Layover

Escale

Avec ce nom, « Layover », signifiant « étape » en anglais, l’artiste entend esquisser « les premiers coups de peinture » de sa personne, Kim Tae Hyung ; la première étape d’un long voyage à venir pour trouver son identité ; le portrait d’une personnalité simple, sensible, qui aime s’entourer de la musicalité des mots qu’il apprécie, décorant ses paroles de sonorités et images qui le ravissent.

Ainsi explique-t-il au magazine Rolling Stone choisir la « nuit » comme muse, car il s’agit de son « moment préféré de la journée » ou évoquer la « neige », en référence à sa saison favorite, confessant un goût prononcé pour le champ lexical de la nature, dont il chante la beauté, simple et touchante. Naturellement, cette idée de « peindre sa musique », et accessoirement son être – chose qu’il avait déjà évoquée auparavant lors d’une interview – se retrouve dans le MV de Rainy Days.

Troquant micro contre pinceau et tablier, le chanteur se présente comme un artiste plasticien, réalisant des sculptures à son effigie, à l’instar de sa musique, intimement personnelle : dans Layover, l’artiste, vulnérable, livre le cœur de son être, en toute simplicité.

Concept photo 3 de Layover
Concept photo 1 de Layover

Romance et blues

Comme la plupart de ses précédentes chansons – Winter Bear, Singularity, Scenery… – V propose des arrangements minimalistes et vintages frisant le style lo-fi, offrant une acoustique favorable à l’appréciation de sa tessiture de baryton, dans toute sa complexité. Envoûtante, diffuse, sa voix s’alanguit et s’enroule, brumeuse, autour du cœur de l’auditeur. Épaisse, riche d’émotions, elle tisse un monde alternatif, romantique, en apesanteur, créant l’illusion presque palpable d’une pièce tamisée, embaumée des effluves entêtants d’une bougie parfumée à la rose et aux baies, sa senteur favorite. Elle prend l’espace de s’exprimer, se chercher, déroulant une texture granuleuse et profonde.

Assurément, son style porte l’empreinte de ses influences adolescentes, le jazz : ses références à Chet Baker et Louis Armstrong, dont l’on perçoit vivement le souvenir persistant, se confondent à un amour pour la musique classique, et une fascination pour les charmes d’antan.  

Concept photo 3 de Layover

Ainsi Love me Again file-t-il l’image rétro esquissée par la musique de V : vêtu d’un col roulé d’un or étincelant tapissé d’une myriade de paillettes irisées, à travers l’écran grésillant d’un vieux téléviseur, l’artiste, pensif, micro filaire en main, adresse un regard envoûtant au public ; de ceux, que les stars glamour du XXe siècle, savaient si bien faire.

Entouré d’une ambiance nébuleuse, aux lumières brouillées, il déroule ses premières notes, langoureuses, tandis que les paroles s’affichent à l’écran dans un lettrage suranné, rappelant les vieux karaokés. Rêveuse, somnolente, la litanie amoureuse amorcée par une guitare s’harmonise au second tiers avec des synthétiseurs sibyllins, semblant dessiner les prémices d’un songe. Les cils papillonnent, embrumés de sommeil, les paupières s’alourdissent.

Slow Dancing, partition trouble, embrasse intimement l’essence du lo-fi. Happé, l’auditeur s’abandonne dans une douce valse, menée par une flûte intrigante. Ensorcelante, éthérée, For us, enfin, offre un falsetto doucement écorché à la voix de V, clôturant la rêverie, à pas feutrés. Mais peut-être est-ce finalement la version alternative de Slow Dancing au piano glissée furtivement à la fin du disque, qui nous captive tout particulièrement. Introduite sur des notes de piano timides, étouffées, comme par peur de nous tirer de notre béatitude indolente, elle s’achève sur un solo de notes de piano chaloupées, nous laissant songeurs – et avides de jazz.

Concept photo 3 de Layover