Critique d'Indigo par Rolling Stone de décembre 2022
Traduit de l’anglais (Rolling Stone du 02/12/2022) par #Nabi
Le leader de BTS, RM, lutte contre le poids de la célébrité et se tourne vers un avenir brillant dans Indigo
Lourde est la tête qui porte la couronne. RM, le leader de BTS, semble trop bien connaître cette vérité. Alors que le groupe de sept membres s’est hissé jusqu’à la scène mondiale, le chanteur, auteur-compositeur et producteur de 28 ans s’est retrouvé à être non seulement le porte-parole de facto de son groupe en raison de sa maîtrise de l’anglais, mais également l’ambassadeur de son pays d’origine, la Corée du Sud, et des Asiatiques de toute la diaspora. Bien que complimenté pour ses discours émouvants à l’Assemblée générale des Nations Unies (trois fois !) et à la Maison Blanche, il a parlé des pressions grandissantes de devoir représenter les opinions des autres.
« J’ai fait mes débuts en tant que chanteur et je me suis retrouvé à assumer une responsabilité dans la société, et même dans le monde », a-t-il déclaré en juin, lorsque le groupe a annoncé qu’il suspendrait ses promotions. « D’une certaine manière, nous ne sommes peut-être même pas qualifiés pour toutes ces choses. »
Dans son premier album solo Indigo, l’artiste né Kim Namjoon reprend possession de sa plume, enfin libéré de l’obligation d’être autre chose que lui-même. Bien qu’il compare sa vie à une peinture « exposée en permanence » sur le morceau hip-hop entraînant Still Life, il rappe qu’il s’élance vers l’avant selon ses propres termes, libéré des regrets d’hier et des attentes de demain. « Tu ne peux pas m’enfermer dans un cadre, je bouge », chante Anderson .Paak dans le refrain, accompagné du retentissement des cuivres jazzy. Créé avec cet engagement personnel rétabli, Indigo est un portrait sonore aventureux du monde intérieur de RM, le travail d’un artiste qui trouve sa voix en réunissant les influences qui résonnent avec son âme.
Nostalgique d’un temps où sa création artistique ne subissait pas les pressions du capitalisme, RM rappe sur le fait de reprendre contact avec la jeune version de lui-même sur la chanson d’ouverture Yun. « Je veux être un humain avant de faire de l’art », rappe-t-il avec détermination sur un rythme de boom-bap poussiéreux, après qu’Erykah Badu offre sa voix sagace sur l’importance du silence. L’intro et l’outro de la chanson est une réinterprétation des conseils du défunt peintre sud-coréen Yun Hyongkeun, dont la voix a été samplée pour le morceau, et qui est connu pour ses peintures monochromes qui combinaient la calligraphie à l’encre traditionnelle coréenne avec l’abstrait occidental.
De la même manière, sur Yun, RM synthétise son appréciation de l’art contemporain coréen avec le hip-hop et le R&B de l’âge d’or américain des années 90, rendant hommage à leurs innovations et créant un lieu de rencontre sonore pour ces deux légendes. La combinaison palpitante rappelle la précédente bibliographie de RM dans les chansons de BTS, dans lesquelles il a fait allusion à la fois à Haruki Murakami et à la philosophie jungienne —créant un univers de références qui fait qu’il est si facile de se perdre dedans.
S’appuyant sur le sentiment de solitude glaciale qui a imprégné sa mixtape mono en 2018, Indigo est un projet qui regorge des réflexions de RM sur l’aliénation. Sur le morceau pop aux influences arena rock Lonely, RM chante sur le fait d’être pris au piège dans des chambres d’hôtel, entouré de « bâtiments que je ne connais pas », tandis que Closer, une chanson d’atmosphère R&B, qui met en vedette l’auteur-compositeur-interprète britannique Mahalia et le rappeur coréen-canadien Paul Blanco, le voit désirer tard dans la nuit quelqu’un qui le fait « rouler dans le vide ». Par ailleurs, dans Change, RM raconte amèrement tout ce qui a changé autour de lui, alors que la production passe soudainement d’un rythme électronique irrégulier à des accords de piano jazzy.
RM n’est pas complètement seul sur Indigo, qui invite une foule d’artistes en collaboration, des artistes coréens indépendants et émergents comme Colde et Kim Sawol, aux musiciens avec lesquels il a grandi en écoutant, comme Tablo du groupe hip-hop Epik High, avec qui il échange des vers sur le fait de forger son propre chemin sur All Day. La ballade légère à la guitare acoustique No. 2 présente notamment Park Jiyoon, chanteuse du tube de K-pop de 2000 Adult Ceremony, une artiste qui s’est mise à sortir de la musique sous son propre label après avoir affirmé que son ancienne agence lui avait donné une image qui lui avait valu des critiques publiques débilitantes. Cette expérience rend ses paroles sur le fait de ne pas repenser au passé d’autant plus poignantes.
Le passé, le présent et le futur se rencontrent tous sur Wild Flower d’Indigo, un morceau de rock explosif dont les refrains trouvent Youjeen, la chanteuse principale du groupe de rock coréen populaire Cherry Filter, s’engageant à « briller intensément dans ce ciel » comme une « fleur ». Bien que les couplets fassent allusion aux angoisses sans fin de RM – « Quand cet ignoble masque tombera-t-il enfin? », rappe-t-il épuisé – il utilise le symbole d’une fleur qui éclot de manière explosive pour représenter son espoir et peint l’image d’un champ ouvert comme un lieu où il peut renouer avec son objectif et son âme d’enfant.
Vers la fin de la chanson, RM se souvient de ses débuts en tant que garçon dont « le commencement était la poésie / Les seuls et uniques force et rêve qui m’ont protégé jusqu’à présent ». C’est un rappel que son écriture est devenue sa superpuissance, car des millions de personnes dans le monde se sont identifiées à ses paroles introspectives et profondément ressenties. Tout comme il a trouvé réconfort et résilience grâce à l’art qui l’a inspiré, Indigo est l’occasion pour RM de faire de même pour ses millions d’auditeurs aujourd’hui.