Interview de Jimin pour Rolling Stone de mars 2023
Traduit de l’anglais (Rolling Stone du 24 mars 2023) par #Lolo
Jimin est prêt à montrer qui il est devenu au monde entier
La star aux multiples talents et membre de BTS nous parle de son premier album solo Face et révèle comment les membres ont soutenu sa démarche créative.
Les membres de BTS ont cru en Jimin avant même qu’il soit assez confiant pour sortir son premier album solo.
C’était le printemps dernier, le groupe était à Las Vegas pour leurs derniers concerts de la tournée des stades Permission to Dance on Stage. Une nuit entre deux représentations, il se confia autour d’un verre aux membres, qu’il considère comme ses frères, sur son sentiment d’insécurité pendant la période de la pandémie. C’est à ce moment-là qu’il reçut les encouragements dont il avait besoin de la part du groupe, qui fêtera ses 10 ans d’existence cet été, et eut assez d’assurance pour débuter son propre projet.
“Je me disais, ‘Pourquoi suis-je en train de vivre comme ça ? Qu’est-ce qui m’arrive en ce moment ?” dit-il à Rolling Stone un matin de printemps depuis les bureaux de HYBE à Séoul, par l’intermédiaire d’un interprète. Les membres du groupe lui ont assuré que tout le monde traversait ces épreuves douloureuses et s’exprimer à travers la musique pouvait l’aider à les surmonter.
Désormais, l’artiste de 27 ans, originaire de Busan en Corée du Sud, se prépare à partager sa vision de pop star solo avec Face, un album captivant composé de six titres. À travers ce projet rempli de sonorités tantôt épineuses et percutantes, tantôt douces et soyeuses, Jimin décrit les sentiments contradictoires qu’il a éprouvé durant son parcours d’artiste. Bien qu’il n’était pas initialement chanteur quand il rejoignit Big Hit Entertainment à l’âge de 16 ans, il développa une des voix les plus uniques de la K-pop : douce mais pointue sur les bords, avec des voyelles vrillant comme des volutes de fumée. Avec ces inclinaisons subtiles, il exprime un isolement amer dans la chanson R&B mélancolique Alone, mais se tourne rapidement vers une colère explosive dans Set Me Free Pt.2. Sur ce titre hip-hop tumultueux accompagné de nombreux cors, il déclare entrer dans une nouvelle ère où il “ne se cachera pas même s’il a mal”, chantant comme s’il serrait les dents.
Ce projet est une évolution audacieuse comparé à ce que Jimin nous a fait découvrir avec le groupe, où il a partagé son penchant pour les titres R&B émotionnels comme Lie en 2016 ou encore Filter aux accents de pop latine. En 2018, il a prouvé être capable d’avoir une approche plus personnelle et acoustique, en écrivant et composant son premier single solo Promise, qui a pu récemment bénéficier d’une sortie officielle alors qu’elle n’était disponible que sur SoundCloud depuis des années. Pour les singles à venir de Face, il a laissé entendre qu’il préparait des performances minutieuses, qui sont devenues la marque de fabrique du danseur talentueux dont le style souple mais puissant est inspiré de son passé dans la danse moderne et les arts martiaux. (Pour voir l’étendue de son talent, les fans peuvent visionner sa danse contemporaine, devenue virale, sur I Need U aux MMA 2019, où il s’emploie à des acrobaties avec une aisance aussi légère que le vent, mais également sa performance de Black Swan en 2020 où nous le voyons occuper le devant de la scène). Il a parcouru un long chemin depuis l’adolescence et son imitation du style de son idole Taeyang du groupe Big Bang. La boucle fut bouclée en janvier dernier quand il collabora avec le vétéran de la K-pop sur son single solo tant attendu Vibe.
Jimin explore un mélange d’émotions envoûtant sur Like Crazy, le titre principal de l’album, qui sortira en version coréenne et anglaise. Il trouva son inspiration auprès de la comédie dramatique du même nom réalisée par Drake Doremus. Frappé par l’histoire d’une romance passionnée entre une femme anglaise et un homme américain, dont la relation ne peut se stabiliser en raison de problèmes de visa ou de leurs carrières respectives, il essaya de transmettre ces émotions ambigües à travers la chorégraphie de la chanson. Il est un perfectionniste dans l’âme : quand je lui dis avoir hâte de découvrir ses performances, il répond tout simplement, “je vais faire de mon mieux”.
Cet album a pour nom Face. Que représente-t-il pour vous ?
Jimin : Dans cet album, je jette un regard sur qui j’étais. On m’a dit que le mot “face” a plusieurs significations. Bien sûr, il veut dire visage quand il est utilisé comme nom mais il signifie aussi “confronter ou affronter” en tant que verbe. Pour prendre un nouveau départ et commencer une nouvelle aventure, j’ai pensé qu’il serait nécessaire de me remémorer qui j’étais et d’affronter mes démons.
Durant votre introspection, avez-vous découvert de nouvelles choses ?
Jimin : Je ne dirais pas avoir ressenti quelque chose de nouveau. Mais quand je repense à qui j’étais pendant la pandémie et les émotions qui me traversaient à cette période, je me rends compte que je ne réalisais pas ce que je ressentais sur le moment. [Je pensais que ] j’allais bien. J’étais heureux. Je profitais de la vie. Mais en y repensant, j’ai réalisé que ce n’étaient pas les seuls sentiments [que j’avais]. Après m’en être rendu compte, je me suis dit qu’il fallait que je surmonte [ces sentiments]. Je pense avoir compris comment devenir un adulte. Je réalise maintenant avoir traversé de multiples émotions différentes pendant la pandémie.
En s’attardant sur les paroles de l’album, les thèmes de solitude, de lutte intérieure et de liberté sont abordés. À quoi avez-vous pensé et quel a été votre ressenti en écrivant ces paroles ?
Jimin : En réalité, je ne suis pas doué pour tourner autour du pot, ou pour parler de façon indirecte, et c’est la même chose avec mes paroles. J’ai juste écrit ce que je ressentais tel quel dans chaque situation, avec exactement le même état d’esprit qu’il y a deux ans. Donc si vous écoutez juste la musique, vous comprendrez les paroles tout de suite.
Quel genre de musicalité et de production avez-vous souhaité exprimer sur ce projet ?
Jimin : Puisque les émotions sont différentes pour chaque chanson, j’ai souhaité exprimer ces sentiments tels qu’ils sont [à travers la production]. Dans la première partie [de l’album], il y a de la colère. Le titre principal [Like Crazy] transmet de la joie mais aussi de la tristesse derrière celle-ci. De plus, les chorégraphies du single principal et du single sorti en avant-première Set Me Free Pt.2 sont totalement différentes.
Interlude : Set Me Free est une chanson de Suga issue de sa mixtape de 2020 D-2 sous son pseudonyme d’Agust D. Quelle est la connexion entre celle-ci et Set Me Free Pt.2 ?
Jimin : Je pense qu’il est difficile de dire qu’elles sont vraiment connectées. Mais quand je travaillais sur cette chanson, je me suis dit que la phrase “set me free” serait le titre parfait. Et je me suis rappelé qu’il existait déjà une chanson du même nom sur la mixtape de Suga. Quand je l’ai écoutée, j’ai réalisé que c’était aussi une chanson sur les difficultés rencontrées pour devenir plus mature, pour devenir adulte. Alors je me suis dit que cela aurait du sens de considérer ma chanson comme étant la “deuxième partie” de la sienne. Si l’opportunité se présente, ce serait bien qu’il puisse m’accompagner sur ma chanson. [rires]
La première chanson Face-Off démarre avec une mélodie qui ressemble à de la musique de carnaval. Que représente-t-elle ?
Jimin : En réalité, elle n’a pas de sens ou de signification spécifique. Mais quand je travaillais sur cette chanson, les producteurs et moi avions commencé à nous amuser avec les différents pianos et autres instruments. Quand on écoute la chanson, on se rend compte qu’elle est très intense, rebelle et contient beaucoup de colère. Mais l’introduire de cette façon [avec la musique de carnaval] crée un contraste avec cette atmosphère. C’est pour cela qu’ils ont dit : “Tu sais, si tu commences la chanson avec ce son, elle aura un côté paradoxal et ironique et le résultat sera alors très amusant”.
Dans Interlude : Dive, il y a des bruits d’eau suivis par le son de votre voix sur scène. Quelle histoire ce titre raconte-il ?
Jimin : À l’origine, le premier titre était Face-Off, très intense et rebelle, et il était directement suivi par le titre principal Like Crazy, avec une sensation d’ivresse comme dans un rêve. J’ai pensé que ce serait bien d’avoir quelque chose entre les deux pour les rapprocher et c’est alors que Dive fut créée. Si vous écoutez le titre, vous pouvez entendre quelqu’un s’essouffler, ou encore moi qui court quelque part. Je voulais exprimer ma sensation d’égarement et d’errance. Alors j’ai essayé beaucoup de choses différentes [pour cette chanson]. Je me suis même enregistré avec mon téléphone en train de courir, c’était très amusant.
Pour Like Crazy, vous vous êtes inspiré du film Like Crazy. Qu’avez-vous aimé de particulier dans ce film et quelle à été son rôle dans la chanson ?
Jimin : Je naviguais sur YouTube et je suis tombé sur cette vidéo de mashup entre une chanson appelée In Return de Breakbot et des extraits de ce film. Je me suis dit “qu’est ce que c’est ?”, et cela m’a conduit à regarder le film. Je pensais qu’il allait être très romantique et agréable mais c’était en fait une représentation très réaliste et rigide d’une séparation. Quand nous avons commencé à réfléchir sur le single, ce film m’est soudainement venu à l’esprit et j’ai pensé qu’il s’adapterait très bien avec le type de chanson [que nous voulions créer]. J’ai regardé une nouvelle fois le film et j’ai intégré plusieurs points qui m’ont inspiré [pour la chanson]. Il y a des extraits intéressants de dialogues au début et à la fin [du titre] qui expriment exactement ce que je voulais dire.
Pouvez-vous nous dire comment sera la chorégraphie et la performance de Like Crazy ?
Jimin : J’ai essayé d’exprimer les sentiments du film… Vous savez, ces émotions parfois complexes, parfois solitaires, parfois joyeuses. J’ai voulu exprimer toutes ces émotions subtiles et ambigües d’une manière légèrement sexy mais je ne sais pas comment le public réagira. [rires]
Je sais que vous avez un passé dans la danse moderne mais aussi dans les arts martiaux comme le taekwondo et le kendo. Selon vous, quelle a été leur influence sur votre style de danse actuel ?
Jimin : Honnêtement, quand j’ai commencé à apprendre les chorégraphies, je pensais que mon bagage de danse moderne et autres mouvements allait être un obstacle. Mais quand j’ai instauré ma propre façon d’exprimer mes chorégraphies après notre début, il est finalement devenu très utile. Ce que je pensais être des mauvaises habitudes se sont révélées avoir eu un impact positif. J’avais une perspective différente sur la danse par rapport aux autres et je pouvais intégrer mon style de danse moderne et de puissantes acrobaties dans les chorégraphies. Je pense que ces fondations m’ont construit pour arriver à qui je suis aujourd’hui.
Quand vous prépariez votre album, comment les autres membres vous ont-ils aidé ? Ou alors comment vous ont-ils inspiré durant le processus ?
Jimin : En fait, ce sont les membres qui ont rendu possible la préparation de cet album. Tout a commencé pendant les concerts [Permission to Dance on Stage] à Las Vegas l’année dernière. À cette période, je luttais avec les émotions qui ont fini dans Like Crazy… Alors que nous étions en train de boire un verre et de discuter, je leur ai dit : “Je ne sais pas si je vais bien. J’ai l’impression de faire n’importe quoi”. Mais les membres m’ont dit que c’était complètement normal de passer par là, il n’y a aucune honte à se sentir perdu parfois. Ils ont proposé : “Pourquoi n’essaie-tu pas d’exprimer ces émotions à travers la musique ?”.
Alors dès que je suis rentré en Corée, j’ai rencontré les producteurs et j’ai commencé à travailler tout de suite sur la musique. Je suis tellement reconnaissant envers les membres de m’avoir inspiré à travailler sur cet album. Je ne sais pas comment le public réagira à ma musique mais j’ai pu surmonter et laisser derrière moi tous ces sentiments d’égarement. Je me sens parfaitement bien maintenant et j’ai beaucoup de gratitude envers eux.
Quelle a été la particularité des concerts de Las Vegas pour qu’ils aient remonté toutes ces émotions à la surface ?
Jimin : Comme vous le savez, nous n’avons pas pu voir nos fans en personne pendant la pandémie. À ce moment-là, j’avais l’impression de ne pas avoir assez de temps et d’espace pour réfléchir sur moi-même. Donc j’ai vécu sans vraiment savoir ce qu’il m’arrivait ou sans savoir pourquoi je travaillais tellement dur jusqu’à maintenant. Chaque jour, j’avais toutes ces pensées et émotions différentes. Mais pendant les concerts de Las Vegas, j’ai eu la chance de parler avec les membres sur leur manière de survivre pendant cette période. Avant, j’avais l’impression d’être le seul à ressentir ces choses et à me comporter bizarrement, et que les membres faisaient tous de leur mieux, étaient toujours très cools et rayonnaient d’eux-mêmes. Je pensais être l’intrus et parler avec eux m’a vraiment aidé à me reprendre.
Je change de sujet mais comment s’est passée la collaboration avec Taeyang sur Vibe ?
Jimin : C’est un très bon souvenir pour moi. Comme vous le savez, il est l’idole de mon enfance. Alors pouvoir le rencontrer, l’écouter chanter juste à côté de moi, l’observer en train de travailler sur sa musique, danser avec lui, tourner le clip vidéo et se produire ensemble… Tout cela m’a rendu tellement heureux.
Quand Taeyang est apparu dans Suchwita, l’émission de Suga, il a confié que vous étiez quelqu’un qui travaille vraiment dur. En entendant cela, quel regard portez-vous sur vous-même ?
Jimin : Je l’ai beaucoup contacté pendant l’enregistrement et les répétitions de la chorégraphie de Vibe. J’ai passé beaucoup de temps à enregistrer ma partie seul car ce n’est pas une chanson facile. Je crois qu’à chaque fois que je terminais une version de l’enregistrement, je la lui envoyais et lui disais “C’est la version enregistrée aujourd’hui, peux-tu l’écouter s’il te plait ?”. Et le jour suivant je lui envoyais une nouvelle version en disant “J’ai amélioré ces détails, que penses-tu de cette version ?”. Je pense qu’après m’avoir vu faire cela, il a eu un avis positif sur moi et a dit cette phrase lors de l’interview.
Pouvez-vous décrire la manière dont vous vous entraînez pendant la préparation d’un nouvel album ?
Jimin : Je dis toujours cette phrase aux producteurs avec qui je travaille : “L’entraînement est la solution”. Si j’ai du temps le soir après le travail, je m’entraîne à chanter avec les producteurs. Je répète la danse. J’essaie toujours de passer autant de temps que possible à m’entraîner. C’est un cycle infini d’entraînement.