Muse : De l'introspection à la réinvention

Article écrit par #Enjolras

En février 2020, le groupe BTS dévoile son septième album Map of the Soul : 7 en y incluant des solos de chaque membre. Celui de Jimin s’appelle Filter, et si beaucoup se souviennent du morceau pour ses performances devenues iconiques, l’intention de Jimin était plus profonde et déjà chargée d’une étude méticuleuse de son statut d’idol. Dans une interview donnée sur Spotify, il expliquait : Les filtres peuvent être les éléments d’une application photographique ou des médias sociaux, mais ils peuvent aussi représenter le point de vue ou les préjugés des gens. […] J’ai pris ces différentes significations et j’ai exprimé la façon dont je veux me présenter au monde de différentes manières

Photo des coulisses du MV de Who

Si de prime abord, Filter pouvait être interprétée comme une chanson sensuelle (aspect qui existe bel et bien, ne serait-ce que dans sa mise en scène), elle permettait déjà à Jimin de s’interroger sur sa persona, sur ce qu’il souhaitait présenter au monde (“Tu peux choisir et utiliser la facette de moi que tu veux”) et l’impermanence de sa vie d’idol, endossant au gré des concepts d’album des personnalités multiples.

Quelle est la véritable facette de Jimin ? Au cours de leur “Chapitre 2”, les membres de BTS ont eu l’opportunité de dévoiler et d’explorer leur univers intérieur, et Jimin, avec ses albums Face (2023) et Muse (2024) s’est également attaché à poursuivre cette quête philosophique, autant que personnelle.

Face, ou le reflet de l'isolement

Pour pouvoir appréhender pleinement Muse, il est nécessaire d’opérer un bref retour en arrière. Dévoilé le 24 mars 2023, Face est un mini-album (six ou sept pistes selon les versions), né des interrogations de Jimin durant la pandémie. Dans une interview donnée à Spotify, Jimin explique le titre de l’album ainsi : “L’histoire de la façon dont je me suis confronté [to face] à moi-même et dont je me suis finalement retrouvé à un nouveau point de départ.”

Pour Face, Jimin s’est pleinement investi dans la création de l’album, expliquant même avoir vécu aux côtés de son équipe. Crédité pour chaque morceau, il s’est attelé à retranscrire ses pensées, ses craintes, ses aspirations à l’époque troublée du COVID-19.

L’album s’ouvre sur Face-off, où les paroles désabusées de Jimin sont mises en avant par un instrumental dans le genre trap dont la puissance monte crescendo. L’introduction de la chanson rappelle un carnaval, où les instruments cessent peu à peu d’être entraînants pour délivrer une ambiance plus obscure et inquiétante. Cette introduction est en réalité une reprise de la Valse des Puces (Flohwalzer), un morceau de piano souvent appris par les débutants en raison de sa facilité et de son rythme plaisant.

Photo des coulisses du MV de Like Crazy

Si le titre de la seconde piste, Interlude : Dive, peut rappeler les interludes des premiers albums de BTS, son atmosphère est différente, utilisant des extraits d’un discours de Jimin, au cours du concert Yet To Come in Busan, où il exprime sa joie de retrouver les fans. Il s’agit certainement d’une référence à la pandémie, Jimin s’étant montré très ouvert sur les difficultés rencontrées à l’époque, thème qui accentue également le sentiment d’isolement englobant le disque tout entier.

Car Face est un album sombre, où se mêlent désirs impossibles (“J’ai besoin d’un moyen pour qu’on continue de rêver” – Like Crazy) et introspection mélancolique (“Depuis quand les gens / Qui rient devant moi ont commencé à me faire peur ? / Cette partie de moi qui prétend toujours que tout va bien / Je la trouve pathétique” – Alone). Cet exercice offre à l’album une teinte particulière, tournée sur soi-même, à l’image de la période où il a été pensé.

Muse, ou le reflet inverse de Face

Un an plus tard, Jimin revient avec Muse, son deuxième album. A première vue, le format est quasiment similaire (même nombre de pistes, présence d’interludes instrumentaux) mais le fond est diamétralement opposé. Là où Face est l’expression même de la solitude, d’une vie intérieure complexe, Muse s’épanouit comme une fleur dès sa première piste, judicieusement intitulée Rebirth. Dans une de ses vidéos Behind the Scene, Jimin explique qu’il a écrit cette chanson en ayant en tête les émois d’un flirt. Là où Like Crazy dépeignait une vision fantasmée et pessimiste de l’amour, Rebirth se veut tout aussi onirique mais résolument optimiste, tant dans les paroles que la musique se concluant par un choeur lumineux et plein d’espoir.

« Oh, mon Dieu, maintenant je ne me cacherai plus
Dans mes ténèbres, tu es la lumière
Comme le soleil qui brille, et se diffuse avec douceur »

Le titre principal, Smeraldo Garden Marching Band, à l’influence très Beatles, dégage un sentiment joyeux et insouciant, bien différent de Set me free Pt.2 qui introduisait Face. Smeraldo Garden Marching Band est une chanson drôle et légère, soutenue par la participation du rappeur Loco.

Slow Dance, en duo avec Sofia Carson, propose une ambiance douce, presque cinématographique, où les voix des deux chanteurs s’accompagnent sur la fin de cuivres, accentuant une atmosphère à la fois intime et nostalgique. Be Mine se distingue quant à elle par son rythme afrobeat et ses influences latines, emmenées par des paroles sensuelles – une des facettes de Jimin que l’on retrouve régulièrement, dans ses solos (Lie, Filter) et ses performances scéniques au sein de BTS.

Photo des coulisses du photo concept de Muse

Au fil des morceaux, Jimin tisse une toile d’émotions résolument romantiques qui atteignent leur paroxysme avec Who, un single tirant son inspiration du RnB des années 2000, et de cette longue tradition de jeunes hommes déclarant leur amour passionné à l’être aimé en se déhanchant sur une pop impeccablement rythmée. Who est une chanson entêtante, un véritable chef-d’œuvre pop dans sa définition la plus pure. Son succès est d’autant plus compréhensible que le morceau est écrit en anglais et produit par Jon Bellion, qui a notamment collaboré avec Justin Bieber, Selena Gomez, Halsey ou encore un certain Jungkook

Fait surprenant révélé par Jimin dans l’émission de Bangtan TV Mini & Moni Music : Face et Muse ont été conçus au même moment. Cette co-création simultanée souligne la dualité entre les albums, un peu comme si Jimin se débattait avec deux forces opposées : l’isolement glacé de Face et l’évasion caliente de Muse.

De Face à Muse : Du repli introspectif à l'exploration des sentiments ?

Malgré tout, s’il semble presque logique de dépeindre Muse comme une sorte d’ouverture au monde qui l’entoure, sa joie apparente s’avère irréelle. Toujours dans Mini & Moni Music, Jimin explique qu’il a pensé les pistes 1 à 5 de l’album comme la description du sentiment amoureux, avant que Who ne révèle la supercherie : “Les émotions exprimées dans les chansons précédentes n’étaient pas vraies”. Le Jimin de Muse est le même que celui de Face : un jeune homme cherchant sa vérité dans un monde où son identité se décline sous de nombreuses facettes (ou filtres…), en quête de ce qu’il est vraiment.

Il y a néanmoins une évolution dans cette recherche, et on ne peut que saluer le travail de l’équipe entourant Jimin pour Muse. Epaulé par ses musiciens, et par Pdogg, fidèle au poste depuis les débuts, Jimin a pu expérimenter de nouveaux sons, travailler sa voix, et élargir ses horizons musicaux, ce dont il parle avec enthousiasme.

Être soi : de multiples facettes

« Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour devenir une version de moi-même qui me satisfasse pleinement. admet-il face à RM dans l’épisode Mini & Moni Music. Si Muse ne répond pas complètement à cette question antinomique (mais qui le peut ?), il permet à Jimin d’offrir un solide album qui laisse entrevoir une facette plus joyeuse et insouciante de sa personnalité, ainsi que la polyvalence de son talent.

Face et Muse ne sont pas exactement les deux faces de Jimin, mais plutôt deux des nombreux aspects d’un artiste exigeant, entièrement dévoué à son art, et dont les explorations musicales laissent entrevoir un étonnant champ des possibles, que ce soit à travers ses productions solos ou son travail au sein de BTS.

Photo des coulisses du MV de Smeraldo Garden Marching Band

Remarque :

Tous les passages cités dans cet article sont issus des traductions françaises proposées par BTS ARMY FRANCE.